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Dieudonné:Pour ceux et celles qui auraient encore quelque sympathie/indulgence pour cet ex-comique...

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Dieudonné:Pour ceux et celles qui auraient encore quelque sympathie/indulgence pour cet ex-comique... Empty Dieudonné:Pour ceux et celles qui auraient encore quelque sympathie/indulgence pour cet ex-comique...

Message  Khreator Ven 24 Juil - 11:45

Pour ceux et celles qui auraient encore quelque sympathie/indulgence pour cet ex-comique...


Amel envoie une lettre à ses collègues militants

Vendredi 29 mai, très tard...

Salut les collègues,

Je tenais à partager, là, tout de suite ce que j'ai ressenti aujourd'hui à Saint-Denis avec la venue des
militants de Dieudonné, mais aussi une autre chose qui s'est passée dans la foulée, et qui m'as mis
grave les boules... Deux choses qui en apparence n'avaient rien à voir, mais qui dans le fond sont
intimement liées...

Bon, quand je suis arrivée sur le marché, il y avait une vingtaine de militants de la «Liste Anti-
Sioniste» menée par Dieudonné. Dieudo, grand courageux, n'était pas là. Je dois vous dire tout de
suite qu'il y a dans cette liste, des catholiques intégristes, des anciens responsables nationaux du F.N
(pas des débutants en politique quoi!), des négationnistes réputés, etc... Bref, pour plus d'infos, vous
pouvez jeter un coup d'oeil sur le tract en pièce jointe fait notamment par «Saint-Denis en lutte» (le
réseau que nous construisons à l'échelle de la ville).

Bref, quand je suis arrivée, une vingtaine de militants diffusaient des tracts. Je dirais une dizaine de
trentenaires et pas mal de jeunes autour de la vingtaine, la plupart d'origine maghrébine et africaine,
de la deuxième ou de la troisième génération même. Je sais que parmi les plus jeunes il y avaient
plusieurs dionysiens, même si cela ne semblait pas être le cas pour les plus âgés. Si, juste un ancien
collègue qui est parti très rapidement et qui n'a pas pris part aux «échanges». Leur grand chef était
«blanc» et m'a dit texto dès le début «Moi je viens de chez vous, l'extrême gauche, et je suis passé
de l'autre côté, vous n'avez pas d'avenir aux élections». (petite remarque au passage, je ne milite
dans aucune orga politique depuis des années même si je me sens communiste révolutionnaire et ce
mec je le connais pas). Si je parle d'âges, d'origines, de lieux de vie, c'est que cela me semble
important de mettre un contexte à ces échanges. On ne voit pas la vie pareille selon le paysage qui
s'offre à nous à notre réveil. Je suis moi même d'origine algérienne, tout cela me questionne et me
bouleverse et au titre de mon histoire familiale et collective et au titre de mon statut d'être humain
tout court digne et libre (du moins qui tente de l'être! Pas gagné...)

Ca a chauffé très vite, pas des coups, rassurez-vous! Des slogans des discutes chaudes. Faut dire
qu'il y avait de quoi hurler, et j'ai argumenté en gueulant parfois et je n'en ai aucunement honte :-).
Les arguments révisionnistes fusaient. Le Pen n'a aucun lien avec le fascisme, il n'a pas torturé non
plus en Algérie, et il ne l'a pas revendiqué. Dieudonné a le droit d'être l'ami de Le Pen. Soral est un
type qui passait par là d'abord le PC, puis le FN, en fait il a juste voulu réformer le FN pour le
rendre moins islamophobe, il est pas plus intellectuel que ça. Bref, faut pas le diaboliser, c'est plutôt
un chic type.

Bien sûr on a souvent contre-argumenté, même si nous n'étions pas là pour les convaincre mais bien
pour informer les habitants de la réalité de cette liste électorale qui est d'extrême droite.
Et puis ils ont voulu nous retourner la tête sur la question du Sionisme. Nous sommes sionistes
quand nous les empêchons de s'exprimer, nous sommes sionistes tout comme Sarkozy (comprenez
le complot). Pour le coup, on ne les a pas empêchés puisque dès qu'ils donnaient un tract, d'ailleurs
plutôt bien reçu en général sur le marché puisqu'ils se disaient antisionistes, on donnait ensuite un
des nôtres en disant «attention des gens du FN sur cette liste» et c'était tout de suite bien perçu
malgré le brouhaha et le tintouin sur le pavé. Perso, des Dieudonnistes (là c'était les dirigeants
fascistes) m'ont dit que j'aurai fait des ratonnades (pas bien compris) et de rentrer chez moi faire des
gosses... Pas bien compris non plus... Et nous étions payés par la mairie pour venir les
emmerder ! ...??? C'est presque un compliment. :-)

Bien sûr le discours et la construction du discours était dégradée dans ce groupe. Les plus âgés
avaient un discours plus construits. L'un d'eux a décidé il y a 3 ans de «rentrer dans le FN pour le
changer de l'intérieur». C'est lui qui menait des attaques personnelles et nous accusaient de laisser
crever le peuple palestinien, nous mêlant à un complot sioniste plus général. Les plus jeunes que je
pense pourtant sincères étaient plutôt dans la dédramatisation de la présence de l'extrême droite
dans la liste «vue que c'est l'unité contre les sionistes qui compte avant tout». :-(
Les plus âgés sont déjà passés de «l'autre côté» ce sont des facsistes engagés depuis des années.
Pour les plus jeunes, ça n'est pas du tout le cas. Ils me donnent le sentiment qu'ils commencent à
peine à militer dans le cadre de cette liste qui se dit antisioniste, et à peine à militer tout court aussi.
Mais j'avoue que voir ces enfants d'immigrés, qui le sont tout comme moi, perdre une partie de leur
histoire collective au point de pactiser sans le moindre souci ... J'aurai jamais imaginé que ce soit si
simple... Je reconnais leur colère face au racisme exacerbé de l'Etat et du système plus globalement,
elle est légitime et elle est mienne aussi. Et l'insécurité sociale ne peut qu'amener de plus en plus de
radicalité, dans les deux sens d'ailleurs, vers le progrès comme vers la barbarie. Je suis moi même
radicale et en colère, dans le sens où j'ai conscience (tout comme vous je pense) de savoir où on va,
si on n'agit pas tous ensemble. Mais cela me laisse un goût très amer sur les ratés de la gauche
institutionnelle (que je ne confonds pas avec celle de la rue et du mouvement social), sur ce rendezvous
manqué avec les cités, tant discuté déjà. Et le mouvement social (c'est à dire nous aussi) doit
aussi s'approprier ces questionnements dans ses formes de luttes. La question sociale (et
notamment la question de la précarité) doit être défendue dans les quartiers populaires; elle est une
source importante du problème et une partie de la solution aussi. De là, où nous ouvrons notre
fenêtre du travail chaque matin, nous pouvons aussi dire et faire des choses en tant que communaux
dans une ville comme Saint-Denis.

Je dois quand même dire qu'il y a 2, 3 discussions plus sympas, notamment un copain de Saint-
Denis en lutte, vachement plus patient que moi, a une belle discussion avec un jeune homme sur
l'engagement, le sens que ça a, et les choses concrètes qu'on peut faire aujourd'hui à St Denis, sur
les Sans papiers, le logement, les licenciements, etc.. Bref, «ne te trompe pas de colère»...
Ils sont partis vers les 13h, on a un peu discuté avec les militants présents : on a du être une
trentaine à passer sur la matinée. Pas mal de syndicalistes de divers syndicats, dont des collègues de
la mairie venus à partir de 12h, des militants du CIPP (Collectif Palestine), de l'APEIS (précaires),
des intermittents, des étudiants, des habitants, la cerise sur le ghetto qui s'est fait traiter de
«collabo», Bally Bagayoko et Christophe Girard qui sont passés un moment, Brafman était là du
début à la fin.

Bref, je pense que le moment fut assez désagréable pour tout le monde, mais notre présence a eu le
mérite de donner un autre son de cloche aux habitants qui passaient, et qu'ils ne soient pas trompés
sur le discours, même si je pense que beaucoup des habitants qui sont passés n'avaient pas le droit
de vote !!!. Perso, c'est une expérience qui me questionne grave sur ce que nous faisons de notre
vivre ensemble à Saint-Denis et où nous allons...

Je sais aussi que je rencontrerai sans doute très vite dans la rue les plus jeunes et que nous aurons
l'occasion dans un contexte plus serein de discuter vraiment. D'ailleurs, j'en ai croisé un l'après-midi
même, ou plutôt c'est lui qui m'a croisé et il m'a dit «alors les fonctionnaires, ils travaillent pas ?», le
temps de le reconnaître, il m'avait déjà dépassé, j'ai éclaté de rire.
Quelques collègues m'ont dit que cela ne méritait pas le déplacement, que cela accordait du crédit à
Dieudonné, en gros c'est du vent. En toute franchise, s'il ne s'était agi que de Dieudonné et de ses
frasques de plus en plus fascisantes, je m'en taperai.. Mais l'idée, le fait d'imaginer Dieudonné,
surfant sur sa célébrité, sa pseudo résistance, et sa couleur en train d'aller tromper des gens sur le
marché avec sa liste d'extrême droite, ça me faisait gerber. Trop facile et malhonnête.
En fait ce qui est en train de se passer m'inquiète affreusement. Nous avons eu affaire pour partie à
des fascistes aguerris et pour une autre à des jeunes en plein devenir politique. Qu'en faisons nous?
Il y a une vraie réflexion-action à avoir là-dessus, je n'ai pas de solution magique, je me questionne.
Ce qu'on dit traditionnellement à gauche, c'est que les fascistes on ne discute pas avec eux, on les
combat. Ca peut être : faire des collages et des tractages en dehors de leur présence sur le marché
pour informer. Ca peut être aussi physiquement en les empêchant de diffuser leur propagande.
Je suis allée au Rdv contre la venue des Dieudonnistes, par conviction antifasciste et complètement
à l'arrache. Je pense que j'ai bien fait de le faire (même si j'ai été implicitement menacée), car outre
l'info donnée aux dionysiens, cela m'a permis de prendre conscience de choses. La portée de la
démarche de Dieudonné est beaucoup plus dangereuse qu'on ne le pense (et que je ne le pensais
moi-même avant de ne le voir de mes propres yeux), et cela va continuer et s'amplifier bien au delà
des élections européennes... Il y a une blessure sociale, culturelle, politique énorme qui grandit et
qui peut chercher sa traduction politique dans la facilité y compris au sein des familles immigrées.
Sarkozy a bien préparé le terrain ! Je pense à des collègues pourtant enfants d'immigrés qui ont voté
Sarko « pour faire le ménage » oubliant que par là même ils feraient partie de la liste ...
Pourquoi l'une des figures les plus célèbres de l'immigration actuelle est Rachida Dati, qui nous a
fait les pires dispositifs judicaires d'exclusion et de répression à l'égard des enfants des classes
populaires (classes où il y a le plus d'immigrés)? Pourquoi c'est Par un Dieudo, qu'une extrême
droite renouvelée tente d'investir les quartiers populaires?
Et là, c'est pas fini. D'une certaine manière, le pire n'est pas encore dit...

En quittant le marché, je remonte la rue de la République. Il y a un attroupement devant le KFC,
côté Gabriel Péri. Je m'approche et je vois un serveur de la chaîne empoigner violemment par le col
un gamin qui doit avoir dans les 8 ans. Le môme pressé contre la vitre du KFC, un enfant Rrom, le
supplie en joignant les mains et en chialant de le lâcher. Le gars a commencé à le tirer en le serrant
très fort par le col sur plusieurs mètres, jusqu'au milieu du croisement. C'était insoutenable. Je l'ai
suivi en lui disant de le lâcher, qu'il n'avait pas le droit de le traiter ainsi, que c'était un enfant, ni de
le ballader où il voulait. Menaçant, il m'a dit de me casser, que ça ne me regardait pas. Qu'il avait
volé de l'argent sur un plateau. La foule s'est à nouveau attroupée, et ça fusait! «Les Roms c'est des
voleurs, tous ces gamins ils sont là pour nous voler, et les parents sont pareils ! Après on leur donne
300 euros pour partir chez eux, puis ils reviennent nous voler. Faut le punir c'est un voleur, enfant
ou pas.» J'étais effrayée, apitoyée. Je me suis baissée vers le môme, j'ai encore le sentiment de cette
foule pesante autour de nous et j'ai dit complètement dévastée «on s'en prend plein la tête en ce
moment, on survit de moins en moins et on doit encore se taper les uns les autres?» Une dame m'a
répondu, que le problème c'était eux les profiteurs, en pointant le môme du doigt. A ce moment là,
le responsable des flics qui étaient présents lors du tractage est arrivé, et vous allez pas le croire, ben
ça m'a soulagée, parce que cette situation sentait le lynchage de pas loin... C'était horrible. C'est
horrible.

C'est à pleurer, et d'ailleurs j'en pleure. Pareil, des gens de toutes les couleurs, français ou pas, puis
d'ailleurs on s'en fout. Des mamans, des adultes... Des pauvres qui pêtent les plombs, de plus en
plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus durement.
Tout ça est lié.

Je discutais avec un ami l'autre jour, et il me donnait son sentiment : «Tu vois j'ai l'impression qu'il
y a deux sortes de gens autour de nous en ce moment. Il y a ceux qui se noient, qui n'ont aucune
marge de manoeuvre pour réagir, et qui se durcissent ou se radicalisent par la force des choses. Et il
y a les gens qui arrivent tout juste à vivre (genre «sans dette et sans héritage»), et qui pour l'instant
ne sont pas directement atteints, et qui ferment les yeux en espérant ne pas être emportés. Ca donne
l'impression qu'on est tous baillonnés. Aurais tu pensé possible il y a encore 5 ans que quelqu'un
puisse être enfermé pour ses idées durant 6 mois, et que le mouvement social, syndical et politique
ne se bouge pas ?»

Voilà, j'ai grave les boules ce soir. Il y a des pistes, il y a toujours des grains de beauté dans la rue...
Mais il y a aussi un gros gros blues dans la rue...

Amel.

PS : J'ai appris aujourd'hui que Nasser de l'APEIS, l'un de nos compagnons qui étaient présents au
marché, a été suivi après le tractage jusqu'à la gare, où il a été agressé par des fascistes qui étaient
au marché ...
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